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Journal de bord : la découverte du long

Salut à toi jeune cycliste plein d’enthousiasme et d’illusions ;

Moi c’est Sybille (@sybilledlr sur les réseaux) et tu vas lire le récit de « ma » course Poco Loco 2022. 

Il s’agit de ma toute première course d’ultra, comme il s’agit de la première édition de la Poco Loco. 


J’ai découvert « le long » cette année avec un BRM 200 où Caroline (qui fait partie de l’organisation de la Poco Loco) m’a activement soutenue pendant cette longue journée, qu’elle en soit ici remerciée.

Et la… le déclic : je suis capable de faire bien plus de kilomètres que je ne l’aurais précédemement imaginé. 

J’ai donc enchainé quelques semaines plus tard avec des copains sur un BRM 300…avec un départ de nuit !

Ce fut éprouvant mais le plaisir s’avère être à hauteur de l’effort !

Et c’est ainsi que, défi après défi, je me suis inscrite à la Poco Loco.

Voici donc un résumé, sous forme de journal de bord ; de ces 3 intenses journées d’octobre entre Montpellier et Barcelone. 

8 octobre – Jour 1

Réveil avant tout le monde à 5h30 dans un improbable bungalow au milieu d’un camping situé à quelques kilomètres du départ. J’ai très envie de commencer la course … mais le départ n’est qu’à 8h45 !

Nous sommes 5 dans ce bungalow, une petite bande de copains de Paris avec qui nous nous sommes organisés un petit camp depuis hier soir. Nous n’avions même pas commencé la course que nous mangions déjà n’importe quoi et dormions de manière sommaire. Cela promet. 

J’attends donc patiemment, et nous partons enfin à 7h20 pour rejoindre “l’Avenue du vélo”, un magasin de cycles qui nous accueille pour le départ. 


Les gars doivent tous partir avant moi. Je pars finalement avec Flo, qui subit une crevaison et perd le premier quart d’heure de la course à la réparer. 

Le départ est lancé, l’euphorie est présente, nous nous éloignons de la ville en longeant l’étang de l’Arnel, puis nous retournons vers les terres. C’est le début de la découverte des paysages de l’Hérault…sous une pluie, heureusement légère, qui nous accompagnera quelques heures. 

Je me fais doubler dans les montées de la garrigue par les quelques « fusées » parties dans le sas de 9h, comme Tom, avec son vélo et ses chaussettes roses; Il finira 3ème.

Les paysages sont apaisants … mais soudain plus loin c’est aussi la douche froide : nous traversons une vaste aire ravagée par les feux de forêt de l’été, encore toute imprégnée de l’odeur du bois brûlé. 

Puis, nous traversons un parc régional agrémenté d’un barrage, d’improbables carcasses de voitures dans des ravins et de pentes, de plus en plus pentues, qui mènent à de beaux villages.

Il n’y a pas à dire, la promesse est au rendez-vous : j’en prend plein les mirettes et plein les cuisses. 

Vers 16h je retrouve mes amis Florian et Adrien en train de faire une pause. Ils pédalent plus vite que moi … mais je m’arrête moins longtemps qu’eux. 

Arrivée devant cette supérette qui surgit fort à propos, je me découvre des envies de repas gargantuesques, et je remplis au maximum mes petites sacoches en prévision de la fin de journée et du soir. 


À ce moment-là j’espère toujours rouler la nuit jusqu’au checkpoint (situé au 350ème kilomètre). 

Puis la nuit commence à s’annoncer,  j’en avais presque oublié que malgré les douces (mais inquiétantes) températures, l’automne est déjà bien là.

Le soleil nous offre de jolies couleurs se reflétant au milieu des montagnes au loin. Je file en direction des Pyrénées. Sur la route je retrouve 3 cyclistes, nous roulons de concert quelques kilomètres. 

J’entends soudain une camionnette qui arrive en klaxonnant intempestivement, je me rabats du mieux que je peux. Les avertissements sonores ne cessent pas, les noms d’oiseaux au bord des lèvres, je me retourne, quand je vois Caroline au volant d’un van. 

C’est “l’équipe média” venue nous faire un petit coucou : Sonam et son ami Jean-Baptiste à l’arrière, portes ouvertes pour faire des images. C’est pour moi une sorte de « remake » d’un shooting de Wilma et Les Rookies quelques mois plus tôt. Je trouve ça hilarant. Je jubile.

Vers 22h, je ne me sens plus très bien : les jambes ne sont plus là, et tout d’un coup, je me sens fatiguée et nauséeuse. En traversant un village, au départ pour une courte pause, je trouve un parfait abri qui héberge le défibrillateur et le jet d’eau de la mairie. J’y installe mon campement de fortune pour la nuit. 

Le lendemain matin, je découvrirais, un peu agacée, qu’il y avait également une prise électrique que j’aurais pu utiliser pour tout recharger mon attirail numérique… bon, pas grave, je suis bien équipée. 

Fin du Jour 1 : 244 km et 2860m de D+ pour 11h47 de pédalage. 

9 octobre – Jour 2

Je me réveille vers 6h, je mets un temps fou à sortir de mon sac de couchage, et je traîne un peu pour me préparer. Ma nuit a été très inconfortable, j’ai très peu et très mal dormi car j’ai été bien malade. 

Cette nuit j’ai fortement songé à abandonner.

Heureusement je me suis accrochée à un bon conseil entendu avant la course : ne pas abandonner avant d’avoir eu le temps de dormir le ventre plein. Puis de seulement prendre sa décision après avoir eu ces deux conditions réunies, quelques heures du moins.

L’objectif du matin : réussir à atteindre le checkpoint pour y faire une bonne pause. Je pense y arriver avant midi, il ne reste “que” 90km. 

Ce sera un peu ambitieux compte tenu du dénivelé qui m’attend et de ma bien petite forme.

Je pars à la lueur d’une lune dorée et je traverse les sublimes gorges de Galamus, émerveillée de les découvrir au petit jour. C’est à couper le souffle et je verse une petite larme d’émotion et de fatigue… il m’en faut peu !

La matinée est longue mais je ne m’en rends pas vraiment compte…et je finis par arriver au checkpoint à Marquixanes.

Plus tard que prévu, après l’Angélus, mais qu’importe !

Le checkpoint est presque situé à mi-parcours. Il est pensé pour nous offrir un lieu en sécurité pour remplir nos gourdes, recharger nos batteries électroniques et corporelles. On peut y manger à satiété et même se reposer avant de franchir les différents cols dans les Pyrénées.

Sur place c’est la mère d’Harald (un des organisateurs de la course) qui nous accueille nous sert un plat de pâtes roboratif et réconfortant, avec une belle dose de fromage râpé… Il sera avalé en 2 min.

J’en profite pour bavarder avec le “gang” de Maximilian, de Guilhem et Emilie. Ils étaient 4 au départ mais un de leur compagnon a dû arrêter la course. Leurs vélos sont en chantier, car couverts de boue, ils nécessitent un peu d’entretien pour mieux repartir. Le « gravel » , c’est vraiment une autre planète ..! 

J’y croise aussi Jean-Baptiste et nous nous accordons pour partager une chambre d’hôtel après la traversée de la 1ère partie des Pyrénées. Ce sera mon objectif pour le reste de la journée et cela me motive beaucoup.

Le programme est sacrément musclé : l’ascension du col de la Llose.

Soit une montée in-ter-mi-na ble de 32km. 

Je la sens passer, et les minutes s’égrènent lentement. Fatiguée de la veille, je donne un coup de pédale après l’autre et je pose le pied à terre lorsque la pente est trop raide.

C’est une très longue après-midi, qui paradoxalement sera très zen pour mon mental.

Car même si ma progression est lente (les côtes ça n’a jamais été mon truc), je sais qu’un lit et une douche m’attendent à quelques kilomètres de là. Je prends donc mon mal en patience. 

De plus, comme je sais que ce n’est pas mon truc je ne force pas, j’y vais très doucement, me mettant dans un état presque méditatif où je n’ai presque pas à me concentrer sur la route vu la vitesse à laquelle je vais. 

J’alterne entre réflexions profondes et blagues avec moi-même. Nous nous entendons bien. 

J’arrive au sommet quand le soleil commence à tirer sa révérence. Je me rhabille et me hâte tout de même un peu pour ne pas finir dans le froid et le noir.

Je sais que je vais déguster cette longue descente, je profite donc de chaque instant : bras sur les prolongateurs, tête rentrée. J’aime la vitesse. Un vrai régal !

Les quelques kilomètres de plat après la descente mènent à Puigcerdà, ils seront aussi avalés rapidement. Je n’ai pas le temps d’avoir froid, je donne de grands coups de pédales. Emportée par la pente et l’excitation d’arriver à bon port, le rythme est bon, je me sens bien. 

Me voilà en Espagne ! C’est bon, enfin “un poco loco”. 

Je comprends en arrivant dans la vallée que j’ai eu la chance d’éviter la pluie. J’apprendrais plus tard que “les autres” se sont fait rincer : ça a parfois du bon d’avoir du retard. 

J’arrive à l’hôtel, croise Marie et deux de ses acolytes, qui sortent dîner. En une demi-heure je retrouve Jean-Baptiste, avale un bol de riz, prends une douche et m’endors. Je suis rincée par cette éprouvante journée.

Fin du jour 2 : 167 km et 3470m de D+ pour 11h16 de pédalage

10 octobre, jour 3. 

Je me réveille un quart d’heure avant notre réveil commun prévu à 5h. Le mental est au max : je suis prête à en découdre. En 5 minutes je suis prête et j’enfourche mon destrier. Je quitte en hâte l’hôtel. 

Bien équipée, avec le nombre de couches suffisantes pour ne pas avoir froid je suis prête à attaquer les deux cols qu’il me reste pour passer les Pyrénées.

Je croise dans les premiers kilomètres Audrey, qui a passé une mauvaise nuit dehors, et je mesure ma chance d’avoir pu faire une vraie nuit. Nous bavardons un peu et nous attaquons le 1er col ensemble. Je finis par prendre de l’avance. Puis Jean-Baptiste me rattrape assez vite : bien que parti 20 min après moi, il a un meilleur coup de pédale.

Les descentes des cols me glacent les mains et les pieds. Il est encore très tôt. J’ai des mitaines mais j’ai oublié mes gants à la maison avant de partir. Je mets donc mes mains dans les manches de mon « pyjama » en « Heattech » pour faire des gants improvisés… J’ai l’impression d’être MacGyver.

Je profite moins de ces descentes qu’hier, il ne fait pas encore bien jour, j’ai froid et le sol est mouillé à certains endroits. 

Soudain, énorme frayeur : je fais une dangereuse sortie de route dans un virage plus serré et plus humide que je ne le pensais …

Finalement plus de peur que de mal mais c’est un sévère avertissement. J’ai réussi à ne pas perdre l’équilibre sur le bord de la route et j’ai pu agripper une branche d’un arbre qui m’a en partie retenue. 

Peu de temps après, le soleil se lève enfin au sommet du deuxième et dernier grand col de la matinée. Le temps est beau, tout est divinement calme. À partir de là, je ne sens pas passer la matinée.

Je recroise Jean-Baptiste plusieurs fois, nous jouons au chat et à la souris sur de nombreux kilomètres, toujours avec beaucoup d’humour et de bienveillance.

Vers l’heure du déjeuner (pour peu que ce mot ait encore un sens à ce stade de la course), je loupe un arrêt dans un centre-ville car j’ai suivi la route qui passe par la banlieue sans avoir pensé à faire de détour. Je ne veux pas m’arrêter.


Je finis par trouver un restaurant le long de la route mais ils ne servent rien de rapide. Je m’apprête à repartir, déçue. Jusqu’à ce qu’un serveur compatissant négocie avec le cuisinier qui me préparera un plat de pâtes à emporter, qui n’était à l’origine pas sur leur menu.

Je repars directement, et j’en avale un peu sur le vélo. Le plat est énorme, le reste sera pour plus tard. C’est pile ce dont j’avais besoin avant les nouvelles collines dont certaines s’avèrent bien longues. 

Nous traversons le Massif des Gavages proche de Gérone, et la proximité de la ville se fait sentir. Je me fais de nombreuses fois doubler dans les montées par des « vélos de dentistes ». 

Parfois, et lorsque c’est moi qui en double, je comprend que ce n’est pas la même population et que dans ce cas de figure, ce sont des locations auprès d’anglophones, très probablement retraités, vraisemblablement en vacances quelques jours dans le coin. 

J’arrive bientôt dans le sublime massif de Cadiretes : les dernières montées avant la mer. La sensation est étrange quand je vois la ligne bleue au loin. Déjà 200km au compteur du jour. Encore environ 150 à venir. 

Je ne peux pas m’arrêter de sourire. Les sensations depuis ce matin sont divines, je prends énormément de plaisir. À chaque changement de paysage comme celui-là je me mets à émettre des sons de joie à qui voudra les entendre (spoiler : personne, car je suis seule au milieu de la pampa). 

Les descentes vers la mer sont extraordinaires. Mais l’ambiance change et la circulation se densifie, pas de doute nous ne sommes plus dans les hauteurs. La plage attire son lot d’inconvénients.

La traversée de la ville de Tossa de Mar est un piège : l’organisation nous avait réservé de chouettes pentes de 20%. Un local me voyant monter se moque de moi en m’indiquant un chemin moins pentu de l’autre côté de la ville, je lui répond que je n’ai pas vraiment le choix et que je dois passer par là, nous rigolons tous les deux.

Ensuite, j’ai le droit à un peu de répit sur le dénivelé le long de la mer. Je finis par me faire rattraper par Léa dans une montée, nous en profitons pour nous motiver mutuellement pour la fin de la course et décidons de finir ensemble la petite centaine de kilomètres qu’il nous reste à parcourir.

Nos discussions foisonnent et je ne vois pas le temps passer. Je remarque que j’ai plus de 300 km au compteur, je n’ai jamais roulé autant de kilomètres avec autant de dénivelé en une journée. 

C’est dans des moments comme celui-là que l’on découvre les ressources insoupçonnées de cette belle et puissante machine qu’est notre corps.

Pour finir, nous avons dernière montée de plus de 8km avec un détour jusqu’en haut de Tibidabo qui offre une belle vue sur Barcelone.

Brieuc nous double sur cette dernière montée. Je suis énervée, je l’avais doublé ce matin vers 11h. Mais je ne bataille pas vraiment, je sais que je ne le rattraperais pas dans la montée qui n’est pas finie et je me dis que comme cela je prendrais le temps de profiter de la vue avec Léa. 

En haut, nous croisons une famille de sangliers. J’ai alors une petite pensée pour Félicien qui a failli en percuter deux sur la route durant la course et pour Tom (celui sur la course de 1700km) qui n’aura pas pu en éviter un. Bilan: une belle « pizza » sur sa fesse droite et de bons dégâts sur le vélo qu’on lui avait prêté. 

Sur le début de la descente je croise Jean-Baptiste, piquée dans mon orgueil, ne veux surtout pas me faire dépasser une deuxième fois. Je laisse Léa et j’entame un beau sprint dans la descente et dans les rues de Barcelone. Mode alleycat. Sûrement un peu enfantin… mais j’y prend beaucoup de plaisir. 

L’apothéose : la belle arrivée à la Sagrada Familia, accueillie par les coups de minuit (et demie). Quelle joie d’arriver au pied de ce prestigieux monument !



Je suis accueillie par la team de la Poco Loco perçant les nuits avec Guillaume et Coco. Ils font presque une nuit blanche pour attendre tous les participants qui arriveront au compte goutte. 


La soirée est simple et parfaite : un verre, la fin des pâtes, et les copains. C’est le bonheur !

Fin de cette dernière journée : 345 km et 4600m de D+ pendant 18h17 de pédalage. 

Après la course

La suite du séjour sera fort joyeuse avec des retrouvailles quotidiennes des participants au « Eroica Caffè Barcelona » qui porte le nom de la célèbre course. 

Nous y sommes accueillis par Graciela, et nous avons le bonheur et la chance de pouvoir y manger des pâtes fraîches matin, midi et soir : nous sommes comme des coqs en pâte !

Nous avons des discussions de « débriefing » et de débats sur la course qui sont passionnantes. Tout y passe : les autres types de courses de vélo où les voitures sont plus nombreuses que les deux roues, où les femmes sont placés au second rang, les règles  parfois archaïques que l’on peut retrouver, la dangerosité de certaines courses ou encore les habitudes que l’on ne veut plus voir comme les participants qui traversent la terre entière en avion pour se lancer dans une nouvelle aventure, à l’opposé de la course pensée par les organisateurs de la Poco Loco. 

Pour conclure, cette incroyable expérience a dépassée toutes mes espérances : une sacrée provision de souvenirs … avec de belles rencontres et une envie de recommencer ! 


Vivement la prochaine Poco Loco ! 

Pour moi ça sera un nouveau chapitre, aux commandes d’un gravel. 


Un chouette défi, car comme diraient les copines de l’offroad « Le gravel c’est dur ! ». 

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1 commentaire

  1. Merci pour ce beau récit et félicitations pour cette magnifique performance ! Une question stp: tu parles de Gravel mais ton vélo est équipé de pneus route, tu as roulé avec ces pneus là ??
    Merci pour ton retour et encore bravo

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